Volet 5. Le Portel, quatre mois à vivre, 8 ans de vie intense
Eric Girard vit un long, un très long bail avec Le Portel. Lui demander de résumer huit années de joies et de peines, de rebonds et de trous d’air, était forcément très compliqué. Il s’y est prêté de bon cœur. Les « oubliés » ne lui en voudront pas…
Pompier de service, acte II
Une arrivée en mars 2012 dans un « village » de moins de 10 000 habitants, dans le bas de classement de la Pro B, après avoir vécu beaucoup de choses dans l’élite du basket (titre, trophées, Europe, coach de l’année en 2005…)…Etait-ce possible ?
Cette incongruité, possible grâce ou à cause de ce foutu cancer découvert en 2011 à Limoges et un repos forcé de quelques mois suite à des séances de radiothérapie, se pose. Avec cette incertitude : reprendre ou pas, le coaching…?
J’en suis là quand Pascal Jullien, mandaté par le président Pierre Leprêtre, sollicite mon agent. Entre les incertitudes de partir à l’étranger avec des conditions hors du commun mais sans garantie médicale en cas de rechute, ou rester en France pour avoir un meilleur suivi, je dois trancher. Le choix est finalement vite fait. Et bien m’en a pris…
Après le maintien du club en Pro B, la voix qui tenait le coup et l’accueil reçu de la part des dirigeants ainsi que des supporters, me décidaient donc à rester portelois une saison de plus pour aider le club à évoluer.
Je me lançais corps et âme dans un nouveau challenge jusqu’au stop brutal (et cruel) d’une sale récidive et du coup, une opération inéluctable qui me voyait perdre mes cordes vocales définitivement… De nouveau, quid de mon avenir ? Coach encore ? Ou stop définitif ? On me donnait quatre mois à vivre. Mais, une nouvelle fois, fort du soutien inconditionnel de tous, le deuxième round sera contourné et le coaching reprendra ses droits après un temps record pour réapprendre à parler et retrouver le banc…La petite lumière qui m’accompagnait à mon réveil dans la chambre d’hôpital n’a eu de cesse de me guider. Elle brille encore…
Mais pour mener ce challenge à bien, il me fallait un homme de confiance, un technicien de haut niveau qui devrait, autant que moi, s’adapter et prendre à bras le corps, de grandes responsabilités à mes côtés… Jacky était celui-ci. Notre duo lancera le Portel dans une ère insoupçonnable, même dans les rêves les plus fous des Portelois, j’imagine…
Les années de Pro B
Finies les saisons à lutter pour le maintien, l’ambition du président Yann Rivoal et de son équipe de dirigeants pour jouer le haut de tableau de la Pro B est désormais notre leitmotiv et ça marche…
De la 15e place à la 7e place et la première en Play-off pour l’ESSM, une 5e place avant de disputer une demi-finale de play-off et une finale de Coupe de France face à Strasbourg après avoir éliminé les ténors de Pro A à Giraux-Sannier (Limoges, Villeurbanne) après Le Mans à Berck. Que de fabuleux souvenirs…
L’histoire est lancée. Le Portel est reconnu en France et mon livre écrit avec Pierre Ballester -« Je n’ai qu’une parole »- finira de faire découvrir ce petit village dans les émissions TV ou radio les plus écoutées dans le pays.
Le final enchanteur des play-off, l’arrivée au Chaudron
Pour couronner le tout, avec l’arrivée du Chaudron, qui allait enfin apporter à l’ESSM cet outil tant mérité, le club montera au firmament à l’issue de Play-Off mémorables. Avec un groupe téléguidé, plein d’envie, de courage et de culot, de Fos-sur-Mer à Evreux, qui, contre toute attente, valide un billet inimaginable quelques années auparavant. Le Portel se retrouvait en Pro A ! Oui le Portel allait désormais côtoyer le gratin du basket français. Ex-tra-or-di-nai-re !
La première saison avec les guerriers
Cette première saison, que beaucoup pensaient être l’unique à ce niveau pour une équipe sans grande structure, ni dollars, surprendra de nouveau. L’ESSM glanera, pour sa première participation, une place en play-off de Pro A grâce à cette 7e place au classement final. Du jamais vu à ce niveau depuis très longtemps…Les guerriers, à l’image des Mangin, Donaldson, Begarin, Chathuant, Hachad, qui, pour la plupart découvraient ce niveau, ont déjoué tous les pronostics, au point de qualifier ce village en… Coupe d’Europe pour, là-aussi, une première pour un club presque centenaire …
La coupe d’Europe dans un gros village
Du Portel au Danemark (défaite en aller-retour des quarts de finale contre les Bakken Bears de Aarhus), en passant par la Russie (Perm, Nizhny Novgorod), la Finlande (Kataja), la Turquie (Istanbul BSB) et l’Italie (Sassari), le Portel aura planté son pic dans l’Europe du basket et même décroché un quart de finale. Incroyable, mais tellement vrai…
Les vilaines saisons
Evidemment, les miracles successifs ne pouvaient perdurer indéfiniment et 2018-2019 amorça une période moins élogieuse et stressante pour un maintien au buzzer grâce à l’unique victoire à Fos–Sur-Mer en Pro A, soutenu de nos plus fidèles supporters. Ouf !Puis vint la saison suivante, où, avec le plus gros budget jamais bâti à l’ESSM, les « stars » n’assuraient pas, la philosophie de la sueur et la solidarité ne trouvaient plus écho…Que faire ?
Le banc. Parti, revenu…
Il fallait tenter quelque chose, et changer une partie de l’équipe était financièrement impossible. Donc, la « mort dans l’âme », je me devais d’assumer mes choix et non pas laisser le bateau comme certaines « petites têtes » l’ont pensé. Je devais essayer de redonner un dynamisme nouveau avec une autre personne, si une certaine lassitude pouvait être la raison de cette situation…
Jacky, dans un premier temps, a pris les rênes à la demande du Président et de la mienne. Il était légitime à ma suite. Mais après 7 rencontres, les résultats se faisant toujours attendre, le Président a souhaité mettre en place un dernier joker et Christian Monschau arriva pour prendre à son tour les destinées de l’ESSM pendant que j’occupais le poste de Manager Général (l’ESSM était le seul club en Jeep Élite qui n’en avait pas à ce niveau)
Malheureusement, l’équipe ne décollait toujours pas malgré le départ de certains joueurs très décevants. Finalement, le confinement clôturait ce gloubi-boulga de saison par un arrêt définitif de la saison…
La French touch
Relancé tout l’été par le Président qui souhaitait remettre le duo des belles années et qui considérait que personne ne connaissait le club mieux que nous, Jacky et moi, repartions à l’assaut de la Jeep Élite avec une philosophie différente ! Le budget étant revenu au niveau des premières années avec le confinement, nous décidions de faire table rase des mercenaires chers et peu motivés et options pour un virage à 180° avec une base large de Français pouvant s’inscrire dans un projet motivant… D’où le recrutement de 70% de JFL complété de trois étrangers. Pour l’heure, ça paye, mais ne crions pas victoire. Reste que l’esprit de ce groupe, alliant expérience, talent et jeunesse est une vraie bouffée d’air pour beaucoup. Attendons la suite, mais nos deux victoires à l’extérieur sont déjà un signe fort…
LE joueur : Trae, Jakim, Ben
Trae Golden reste le joueur le plus fort ayant évolué à l’ESSM ; Jakim Donaldson sera sans doute l’étranger le plus Portelois et le plus populaire ici…
Et Benoit (Mangin) sera passé d’un statut de Français lambda de pro B à All Star de Jeep Élite. Il reste un cas unique dans le basket français, ayant fait sa carrière en LNB dans un seul club, en franchissant tous les échelons. La ville, le club, doivent être fiers de posséder une telle forme de longévité et de confiance d’un de ses joueurs. Ne l’oublions pas, ne sous-estimons pas. Parce que c’est exceptionnel. Pour moi, il reste le garant de ma philosophie, du travail, du professionnalisme que je prône. Sans lui, il est clair, que le club n’en serait pas là !
L’HOMME : Jacky, le Prési
Jacky, ami, collègue, bras droit, homme de confiance, ma voix… avec qui j’ai passé sans-doute plus de temps qu’avec ma famille. Il est et restera mon partenaire de route, de matchs, de doute, de réflexion ; mais surtout de nos succès collectifs. Merci Coach JP.
Le président, Yann Rivoal, pour sa confiance, et pour supporter mon exigence ainsi que mon sale caractère (sic) depuis de nombreuses années…
Merci, mille mercis
Je tenais à ajouter, après cette longue introspection d’une carrière de plus de 25 saisons, 900 matchs officiels, des centaines de vidéos, de briefings et d’entraînements, (sans compter mes années d’assistant et de coach de jeunes), que, malgré de difficiles périodes, les rencontres, les collaborations, les joies ont été si nombreuses que les coups durs sont déjà oubliés !
Je tiens évidement à associer à ce parcours, au-delà de ma famille et de mes proches, TOUS les staffs, joueurs, dirigeants, notre maire, Olivier, partenaires, supporters, journalistes qui nous ont permis de réaliser ces riches moments de vie, de sport…
Évidemment, je n’ai pu citer toutes celles et ceux qui m’ont permis de disputer cette 900e rencontre, spécialement les « hommes de l’ombre » (n’est-ce pas mes intendants préférés…), mais je ne vous oublie pas…
Merci, mille mercis à toutes et tous et vive la suite…
Philippe Cadart